À Quatre Voix…

C’est avec une émotion toute particulière que la Cie BODOBODÓ Production France s’est rendue au village de Trôo, en ce 9 septembre. Elle y donnait le texte de Juste une cachette ? dans sa version minimaliste et intimiste : celle à Quatre Voix. Sous l’Occupation, les habitants de Trôo osèrent désobéir et cacher 22 enfants juifs plus une famille entière… au nez et à la barbe des nazis dont la Kommandantur était pourtant postée en plein centre du village.

Nous nous attendions à une belle émotion, nous en avons reçues de nombreuses ! Le tout au cœur d’une ferme, sous le toit d’une grange, ouverte au vent et au froid de la météo, certes, mais ouverte également au passé chaud-bouillant des années 40… Le fil rouge du texte a ainsi réchauffé les nombreux spectateurs et le voyage a eu lieu.


Votre « lecture théâtralisée » m’a bouleversée !

Laissons la plume d’une spectatrice présente samedi, vous conter le reste…


Votre « lecture théâtralisée » hier soir à Trôo m’a bouleversée par la justesse du texte et de la mise en espace pour plonger le spectateur immédiatement dans cet univers fou et affolant – où les actions de certains, dans leur simple adéquation à la vie, parviennent à recréer de l’humanité.

Le non savoir de tous les acteurs de cette époque sur ce qui se tramait en fait, mais avec quoi ils avaient à faire au quotidien, est merveilleusement restitué : les « enfants » (interprétés par des adultes !) ne parlent pas comme des adultes savants mais vivent leurs émotions et y réagissent avec une spontanéité bouleversante. Dès les premiers mots le spectateur est pris : lorsque le député collabo entonne « Maréchal nous voilà... », j’ai eu l’envie de me lever et partir oubliant que c’était du théâtre ! Puis, dans la salle, j’ai entendu que des spectateurs se mettaient à fredonner avec l’acteur… – entraînés sans y penser par un mouvement d’adhésion que leur conscience aurait récusé : comment faire mieux sentir, avec une économie de mots, la trouble situation qui mena certains à la collaboration quand d’autres, que l’on nommera « Justes » bien plus tard, surent être simplement humains ? L’autre est mon frère,  et je lui dois le respect, quelle que soit la couleur de sa peau ou sa religion.

Quelle actualité, aujourd’hui où le honteux silence et le rejet de l’autre sont officiellement couverts par le prétexte de « sécurité » !

Le texte de Madeline Fouquet est bouleversant de justesse, rien de trop, et rien de « théâtral » au mauvais sens du terme. L’auteure dit elle-même que c’est le théâtre qui impose cette épure de l’écriture, on aimerait que d’autres se réfèrent à cette contrainte d’où naît l’extrême liberté ! La mise en espace de Claudie Ollivier , sobre, avec les moyens du bord (même pas d’estrade, des palettes posées sur 4 parpaings!) est remarquablement dynamique et contribue à la puissance évocatrice de ce texte où les quatre comédiens, tous excellents, nous font faire une expérience bien plus que visuelle et auditive, puissamment émotionnelle et qui ne cesse de donner à penser : on « y » est. Les images éclosent comme en un kaléidoscope qui nous fait participer, un peu, à ce qu’a pu être l’expérience vécue par les acteurs de l’époque, nos parents et grand parents, voire arrière grand parents aujourd’hui…

La charge émotionnelle de ce spectacle apparemment si simple tient probablement à cette puissance évocatrice d’images singulières pour chacun, là encore on se prend à rêver que des metteurs en scène qui pratiquent le surlignage retrouvent le chemin de cette ascèse si riche pour les spectateurs.

M.

Art. de presse du 13/09/2017

Avec : Morwenna Prigent, Philippe Pezant, Claudie Ollivier et Madeline Fouquet
Diffusion : Natacha Beaune / 06 11 49 51 88

 

Photo © Nacalafa

Une réponse à “À Quatre Voix…”

  1. Un Spectateur le

    Merci beaucoup pour cette soirée chargée d’émotion, de réflexion, d’interpellation… À Trôo… Bravo et merci !

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